PARLONS FINANCES

Pourtant, nous reprenons le fil directeur de l’urgence. Il faut accumuler le plus de renseignements, en tenant compte de l’inconnu qui, pour sombre qu’il soit, recèle un faible espoir : si l’argent est le mobile de l’affaire, si un quelconque groupe retient l’enfant, si Christophe et Dina sont captifs quelque part, nous devons prendre des dispositions, et elles passent par l’argent… l’argent, moteur de tant de crimes, et parfois nécessaire pour en limiter les effets.

Nous vérifions nos comptes en banque. Le compte des dépenses courantes du ménage est intact. Mais les sommes qui y transitent sont modestes. Rien d’attirant par rapport à mon compte, détenu par BFORBANK. C’est le plus important, la réserve de capital, et il est intact.

Soulagement, mais aussi, nouvelle interrogation, et non des moindres ! Christophe avait accès à ce compte. Alors, que devient notre hypothèse de la captivité et des sévices pour le faire parler ? Totalement fausse, ou, pire encore ?

Je dois aussi vérifier mon compte HSBC, si peu fourni qu’il soit. Christophe en possède le code, mais aussi le nouveau boîtier de sécurité instauré par la banque. Or, je ne l’ai pas.

Ici une explication technique s’impose. Ce boîtier nécessite une activation préalable. Étant aux USA, nous avions décidé avec Christophe de ne la mettre en service qu’à notre retour en septembre. Mais en attendant Christophe l’avait récupéré chez nous et emmené à Saint-Pétersbourg. Cet arrangement tenait compte de nos déplacements respectifs, et du fait que nous devions nous retrouver en Russie en automne 2013.

Alors, j’appelle le service-client qui m’apprend que plusieurs tentatives de connexion ont eu lieu le 20 août. Je suis bouleversée, Christophe a-t-il était torturé pour donner des informations ? Dans ce cas, les a-t-il « lâchées », uniquement sur ce compte peu fourni nécessitant le codage complémentaire ?

Je suis prise au dépourvu et atterrée, si bien que je ne demande pas de précision, mais la date du 20 août reste gravée dans ma mémoire. Un nouveau boîtier me sera fourni.

Nous verrons par la suite combien cet épisode d’intérêt majeur pour la reconstitution du crime sera « oblitéré » par la banque, qui, très curieusement ne retrouvera pas trace de ce « petit détail ». Parfois les intérêts du client et du banquier divergent, et les enregistrements de l’appel n’ont jamais pu être vérifiés. Il faudra se contenter de leur « vérité ». À cause de cela, une partie du poids de l’accusation tombera.

Cela était le début d’une longue série de « dysfonctions », mot à la mode évitant d’autres qualificatifs plus virils ou plus légaux. Nous y reviendrons par la suite.

 

Toute personne qui a enterré l’un de ses proches sait combien la peine se conjugue avec la gestion des affaires courantes, et combien cette confusion des genres crée un malaise indéfinissable mais bien réel.

Dans ma situation, il faut surmonter les angoisses récurrentes, et revenir au courrier trouvé dans l’appartement de Newton, en particulier au courrier du syndic, réclamant quelque 7000 euros pour le ravalement de la façade, à payer au 1er septembre 2013.

Qu’importe cet appel de fonds dans l’histoire naturelle d’un crime, direz-vous ? Nous savons déjà que Christophe n’est pas venu à Paris, et ce document en est une preuve complémentaire. Circonstancielle dirait un avocat pointilleux. Certes, mais en accumulant et reliant les preuves circonstancielles, en leur donnant leur plein sens, on approche de la vérité.

Pour l’instant, prise dans la gravité de la situation, et sans obligation directe de payer, je laisse cela de côté.

Je ne le sais pas encore, mais le déroulé des courriers de cette banale comptabilité et de ses complications ultérieures pèsera lourdement dans l’affaire, et dans la condamnation finale.