LE TROU NOIR : ÉPILOGUE

ÉPILOGUE OU INTRODUCTION ?

Réponse : les deux, mon capitaine !

Oui c’est bien l’épilogue de la première partie, celle que nous avons appelée “Le Trou Noir”, imageant fort bien l’état d’esprit et d’humeur qu’étaient les nôtres concernant Christophe, et déjà Christina. Christina d’abord, comme nous l’avions affirmé dès les signes avant-coureurs de la catastrophe.

Mais, l’histoire a continué… jusqu’à ce jour et au-delà, vous le verrez bientôt, avec des phases bien distinctes, d’où la noirceur ne sera jamais exclue : la noirceur du clan Sysoev et de ses parasites.

 

ÉPILOGUE DU “TROU NOIR”

En résumé, mon dernier contact direct avec Christophe était le 17 août 2013.

Après une période de réassurance entre Pierre et moi, il a bien fallu se rendre à l’évidence : un malheur était arrivé.

À l’exception d’un policier qui fait honneur à sa profession, les autorités françaises – usons d’un euphémisme – ont été d’une aide relative.

Notre avocate russe, Me Sologoub est notre intermédiaire dévouée, quasi infatigable. Sans ses efforts incessants, rien n’aurait pu avancer.

Malgré tous nos essais de contact par Skype et divers numéros de téléphone, nous n’avons eu que trois contacts avec Dina, tous après forte stimulation de notre part :

Un courriel du 9 septembre dans lequel elle veut faire croire que tout est normal.

Un courriel du 28 septembre dans lequel elle se dit inquiète et déprimée.

Un courriel du 16 octobre, de la même veine, où elle rajoute le trouble de Christina.

Donc, en 60 jours, cette épouse n’a pas jugé utile de se rendre spontanément à la police, a prétexté l’incohérent, a débité des mensonges invraisemblables, n’a pas une seule fois сherché à me joindre, moi, sa seule belle-sœur avec qui elle était en contact amical et familial, qu’elle attendait en novembre, moi, la sœur de son mari, la marraine de sa fille.

Pendant ces 60 jours nous avons imaginé le pire pour toute la famille. Et au bout de 60 jours, une fois de plus sur notre forte stimulation, nous avons pu constater qu’au moins ma filleule était en vie, moralement blessée mais en vie.

En dépit de la brouille – pour ne pas dire plus – dans le ménage, qui pourrait croire qu’une épouse toujours légale ne s’intéresse pas au sort du père de leur enfant ? Qui ne serait dubitatif, suspicieux ? Qui ne conclurait que, d’une façon ou d’une autre, Dina est impliquée dans la disparition de Christophe ? Qui ne poserait la question en termes plus simples : victime sous influence, ou coupable ?

Cette période de 60 jours, nous l’avons baptisée notre “Trou Noir”.

Qu’il me suffise de dire que j’ai perdu 10 kilos, soit près de 15% de mon poids, comme après le décès tragique de notre mère. J’ajoute les insomnies, la fatigue, les larmes, le sentiment d’injustice, les blessures infligées par les autorités. J’ai encore en tête la voix de ce petit consul adjoint à qui Pierre a dû rabattre son caquet. Pierre me forçait à manger, pour « reprendre des forces, pour nous battre », mais lui-même vivait de plus en plus mal cette situation. Il prévoyait que la lutte serait longue, inégale, qu’elle nécessiterait de fourbir nos armes, c’est-à-dire créer le dossier, ranger, actualiser, échafauder des hypothèses, les confronter aux découvertes progressives, les réfuter ou s’y tenir, forcer nos idées à prendre vie autour de nous, parfois ouvrir des pistes pour notre avocate, ce dont elle nous sut gré, car, elle Russe et nous Français divergeons sur certains abords. Mais jamais son aide ne nous a manqué, tout en devant nous habituer à des rythmes différents.

Pierre revoyait la dernière visite de Christophe, celle où il lui avait demandé un conseil technique au cas où il serait agressé, comme il nous avait dit l’avoir été une fois dans le métro de Saint-Pétersbourg.

Alors, Pierre lui avait montré une bonne parade, corrigée par son conseil : « Cela ne vaut rien si l’on ne pratique pas. Mieux mieux partir au plus vite. » Il s’en sentait coupable. Aujourd’hui nous savons que, dans les conditions du crime, cela n’aurait servi à rien. N’empêche, le sentiment de culpabilité n’est pas de ceux dont on se débarrasse comme d’un sac trop lourd, d’une secousse.

« Et si au moins il m’avait parlé, d’homme à homme » reprenait Pierre. Je l’aurais épaulé. Un divorce, je le sais bien, n’est jamais facile. Je l’aurais aidé, conseillé.

Je tâchais de le remettre dans la réalité : « Christophe était trop réservé, il ne parlait pas, et si je lui posais une question qui lui déplaisait, il se refermait comme une huître, avec un regard noir. » Oui, tel était un des traits principaux du caractère de mon frère, que le décès de notre mère, dans des conditions tragiques, avait fortement accentué, au point de gâcher sa vie sociale, de se retrouver seul, et vulnérable.

Pierre me disait qu’il lui semblait que Christophe allait sonner et entrer chez nous, il le voyait presque. Moi, je le reconnaissais dans la rue, signe classique de perte d’un être cher.

Nos insomnies s’accompagnaient ou se succédaient, nous laissant englués le matin et pesants malgré nos efforts pour relancer la machine.

À la fatigue nerveuse liée à l’affaire s’ajoutait celle de la vie « courante », et rarement ce mot évocateur de course n’aura été plus adéquat. Par exemple, pour un premier aller-retour à Toulouse le 24 septembre, rencontrant notre amie Martine qui s’envolait pour le 31e rallye Toulouse / Saint-Louis du Sénégal. Et nouvel aller-retour le 7 octobre pour féliciter Martine de sa deuxième place, et participer à sa soirée de retour. Cette période de 60 jours, ce “Trou Noir, fut marquée d’intense fatigue et de tension nerveuse. Mais heureusement, elle fut aussi le creuset de sentiments forts qui attendaient notre capacité d’accueil pour naître. C’est pendant ce “Trou Noir” que cette chose forte, irrémédiable s’est créée entre nous et Christina, ma filleule : devoir de justice, nécessité de sauvetage, protection, prise en compte dans l’horrible circonstance de mon rôle de marraine, крестная мать, la mère chrétienne, comme le disent les Russes.

Une fois que nous avons senti l’émergence de nouvelles forces, ce fut comme le tournant d’une guerre. L’espoir revenait. Tout n’a pas été simple, nous avons connu bien des travers, bien des revers, bien des inquiétudes. Mais le pire était passé, peut-être…

Ainsi commença “Le Jeu de dupes.

Commentaire (1)

  • Pascal M| 29 septembre 2019

    Très émouvante relation ; au plus proche de l’humble vie dont vous avez été imprégné dans cette circonstance criminelle.
    Vu la qualité, l’authenticité, et l’articulation de ce que vous vivez, on reste, sans que ce soit un jeu malsain (*), désireux de connaître la suite.

    .* Malsain, car se repaître du malheur des autres ne doit pas être un but en soi. C’est tout au plus une participation à la réalité de la vie. Que Dieu permet sous nos yeux.
    À un degré supérieur, ce ne peut être, me semble-t-il, qu’une compassion d’amour et un philtre de vérité.

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