SÉRIE DE TESTS EN SIBÉRIE

 

TRANSSIBÉRIEN

TRANSSIBÉRIEN

PSYCHOLOGIE SUR LA CORDE RAIDE

Nous revenons de Sibérie, plus exactement de Khabarovsk, la dernière station d’importance sur le Transsibérien avant Vladivostok. Comptez 7 jours en version train express depuis Moscou. En avion, seulement 7 heures.

Pourquoi ces tests ? Parce que le seul test passé par Christina n’était qu’un torchon fabriqué à la demande par une psychologue de pacotille. Et pourtant il avait été utilisé par la partie adverse lors de l’appel qui redonnait des droits maternels à l’assassin du père de la petite. Toute personne honnête et habituée à ce type de rapport comprendra sans équivoque la corruption qui a entaché ce jugement… si le terme jugement s’applique encore à cette mauvaise littérature.

Actuellement, nous demandons une fois de plus, lors d’un nouveau procès, le droit de rendre visite à Christina. Nos avocats avaient plaidé que de nouveaux tests soient passés, incluant Christina, sa grand-mère biologique, la femme de Victor le dépeceur, et nous-mêmes. Pour nous, cela a duré trois grands jours.

Le premier jour a été marqué par une discussion plutôt raide. En effet, les deux psychologues, Valéria et Dimitri, nous annoncent la couleur : deux questions sont posées par le juge. Je retrouve la même formulation biaisée, induisant une réponse négative pour nous. Puis nous apprenons qu’ils ne reviendront pas sur l’histoire passée.

Autrement dit, ils se contentent d’une photo alors qu’il s’agit d’un long film tragique. Autant prétendre raconter Le Petit Chaperon rouge à partir d’une image d’un pot de confiture.

Nous sommes sur le point de quitter la séance. Mais la politique de la chaise vide nécessite une mise au point préalable. J’attaque sur des critères serrés de psycho-pathologie, argumentés sur les faits prouvés par le jugement pénal du 2016, qui a envoyé l’assassin en prison et laissé le père dépeceur libre, et sanctuarisé Faïna, pourtant parjure et calomniatrice.

Notre couple de psychologues comprend qu’il leur faut lâcher du lest. Ils affirment qu’ils sauront démêler les points fondamentaux de l’affaire.

Évidemment, cela peut n’être qu’une de ces promesses en l’air qui n’engagent que ceux qui les croient. Néanmoins, l’atmosphère se détend. Jouons le jeu. Sans cela le retour aurait été immédiat.

Donc, nous commençons les tests. Tout sera enregistré (son et image). Nous en profitons pour discuter plus souplement. Ces deux-là sont bons. Pour la pratique, nous pouvons leur faire confiance. Après, si par hasard quelqu’un leur propose « un contrat qui ne se refuse pas… »

Je passe sur la quantité de dessins, de choix de couleurs, d’organigrammes familiaux, de tests à questions variées. C’est la technique de base.

À un moment, Valéria, la psychologue qui était partie dans une autre pièce travailler avec Christina, revient avec elle. Christina ne parle pas ; démarche hésitante, empruntée, tête baissée  regard fixé au sol, menée par la psychologue comme une aveugle. Nous comprenons très bien qu’elle a été « préparée » par le clan Sysoev. Nous restons à nos places pour ne pas la brusquer, lançons une simple petite formule d’accueil, et bien vite un « Paca » (пока), sorte d’« au-revoir, à bientôt » familier qui met fin à cette tension.

La journée de travail continue.

CHRISTINA, ENFIN !

Le lendemain, nous devons travailler avec Christina. Évidemment, les enjeux sont plus que hauts. N’oublions pas qu’elle a dû avoir une nouvelle séance de lavage de cerveau, la veille, soit directement par Faïna, soit par la psychologue qui leur est « attachée », on devine par quels fils.

Manifestement, Valéria a pu établir avec elle une sorte de « contrat de travail ». On ne peut dire que Christina vient vers nous, mais au moins, elle accepte de rester dans la même pièce, elle se met à son propre test (le classique dessin d’un arbre), tandis que nous poursuivons les nôtres. Tout devrait bien se passer, sauf que…

L’IRRUPTION

La porte s’ouvre, entre Faïna, en furie. Elle se précipite sur Christina et veut la faire partir, elle s’accroche à elle pour la tirer. La petite est désespérée, mais reste assise. Nous restons calmes, mais cette irruption témoigne de toute une longue maltraitance. Elle veut que son avocat intervienne. Sous quel prétexte ?

Là, Valéria intervient. Je ne comprends pas tout ce qu’elle dit, mais elle réussit à la mener dehors, à l’étage inférieur. Elle doit lui expliquer que tout est enregistré, et que cela devrait faire mauvais effet devant le juge. Nous apprendrons qu’il y a eu un esclandre de plus, certainement augmenté par les vitupérations habituelles de son avocat. Ambiance habituelle du clan Sysoev. Et, soyons généreux, n’excluons personne ! Oublions momentanément cette rage, ces mensonges, et cette maltraitance subie par Christina, ce que nous ne pourrons jamais pardonner. Comprendre, oui, en toute rigueur, en toute logique, avec des faits indubitables. Pardonner, non ! L’assassinat psychologique d’un enfant est hors de tout pardon. Mais sur un plan pratique, rien n’empêcherait une discussion, une vraie.

CHRISTINA ET NOUS

Enfin, nous allons travailler avec celle qui, seule, compte pour nous : Christina.

La première séance est celle du bac à sable qui sert à créer le décor d’une histoire que nous ferons évoluer ensemble à l’aide de figurines ou objets divers (il y en a 2 à 300). Chacun choisit ceux qui matérialisent un point de l’histoire.

Ce « jeu » d’apparence enfantine a été créé par Jung, mon psychiatre d’élection, qui, ici et ailleurs, a mis en pratique la fameuse formule : « les mains parlent ». Ici les mains, racontent à la place de la parole défaillante. Alors, grâce à Jung, et aussi à nos sentiments profonds, nos mains et nos histoires se rejoignent. Christina dessine une montagne de sable, elle l’isole par une rivière. Au milieu elle pose un trésor, sorte de pyramide emplie de boules multicolores. Nous ajoutons une petite fille. Nos équipes se montent : un cheval, un chien, deux cygnes choisis par Christina, deux cœurs pour l’amour qui donne la force. Christina dessine le pont, puisque nous devons ramener le fameux trésor.

Alors, je joue le tout pour le tout. Me doutant que nous ne pourrons plus revoir Christina après l’esclandre préalable, je rajoute la sorcière que je nomme immédiatement : Baba-Yaga, la célèbre figure ambivalente des contes russes, plus souvent maléfique que bénéfique. Bien sûr, Baba Yaga veut nous empêcher de partir, mais Christina trouve qu’elle est gentille. Cependant, elle oublie vite son appréciation télécommandée, et participe avec nous et les cygnes au « nettoyage » de la méchanceté de Baba Yaga, grâce à leurs ailes rincées dans l’eau de la rivière. Ainsi, nous serons tous contents et pourrons partir avec le trésor, utilisant le balai que Baba Yaga, interrogée par Barbara, nous laisse comme moyen de transport, alors qu’elle reste sur la berge.

Après, nous ferons ensemble la synthèse de nos rôles. Le trésor, nous explique Christina, c’est « celui donné par la nature ». Comme nous sommes loin de l’argent sordide ! Comme cette enfant est riche, au meilleur sens du terme ! Et Christina, peu à peu, se rapproche, parle, accepte des bisous, et y répond. Dire que nous repartons joyeux serait exagéré, mais soulagés, confiants en Christina. Pour le reste, n’oublions pas la corruption.

Oui, Faïna, cette enfant sait, cette enfant comprend, elle a un cœur, même pour vous, mais elle n’est pas dupe. Elle est humaine, et vous êtes emportée par tant de haine, de mensonges et de cupidité que vous ne pouvez pas prétendre l’aimer. Alors, reprenez figure humaine. Laissez-nous Christina, car nous l’aimons sans autre raison que de vouloir lui redonner l’espoir en la vie. Elle y gagnera une chance de bonheur, et vous n’y perdrez rien, bien au contraire.