En ces temps de confinement physique, les médias débordent de bons conseils pour occuper les enfants, et de témoignages de parents débordés par l’aide qu’ils doivent leur apporter inopinément pour leurs programmes scolaires. Tout cela est bien vrai, dépend de la surface vitale offerte à la famille, et n’est pas toujours facile. Plus qu’un confinement, c’est un chamboulement des habitudes et des relations qui atteint tous les âges, toutes les classes sociales, toutes les professions… et pose bien des interrogations, parfois mêlées de sombres pensées. Et tout cela est normal. Ce qui est profondément anormal est que notre culture rabougrie l’ait oublié. Oubliés les bombardements sur la France qui ne remontent pas plus loin que le temps de nos parents ou grands-parents, à peine une ou deux générations. Oublié qu’on nous ait « bassinés » pendant des dizaines d’années avec le risque de guerre nucléaire, sans prendre aucune mesure réellement préventive pour la population, sinon construire le bunker de Taverny pour le président et sa suite. Oubliées les grandes épidémies de grippe, “l’espagnole” de 1919, et celle de 1970 dite « de Hong-Kong » avec ses 17 000 morts déclarés et sa surmortalité qui atteint les 40 000 en France (sans compter son million de morts dans le monde).
Arrêtons ici ces brefs souvenirs et revenons à nos familles confinées. Si nous devions nous occuper d’un enfant, nous surveillerions ses devoirs, mais sans gaspiller notre temps à prendre la place du professeur. Nous ajouterions l’éducation à l’instruction, et cela est valable pour toute personne, à tout niveau intellectuel. Nous lui parlerions de sa famille, remontant aux souvenirs de nos grands-parents, ou plus loin si possible, nous parlerions de notre enfance, de nos années d’école, de lycée, de faculté, de notre premier emploi, puis de notre vie professionnelle, de ses difficultés mais aussi de ses bonheurs (oui, nous en avons eu), de ses luttes, de ses lourdeurs (bureaucratie, je vous hais !) et de ses aides (administratifs dévoués, je vous remercie), des pierres que nous pourrions nous lancer, et des satisfecit qui nous ont peut-être été attribués. Nos petits et grands bonheurs, en peinture, en musique, en littérature, pendant nos voyages, dont elle pourrait se moquer, mais qui lui reviendraient un jour . En fait, la vie, tout simplement la vie, avec ses ombres et ses lumières, ses interrogations pour ici et au-delà quelle que soit la dimension que chacun y apporte. Nous sommes persuadés que tous les regards de la famille s’en trouveraient adoucis, et s’ouvriraient différemment au monde, enfants et nous-même inclus, même dans les Prisons imaginaires du Piranese.
Nous pouvons vous assurer qu’il y là matière à bien des chapitres. Chacun en possède autant, sinon plus. Chacun le doit à ses enfants, sans oublier que le temps nous est mesuré, et peut-être suspendu inopinément en cette période.
Voilà ce que nous dirions si nous avions une enfant avec nous, et si elle s’appelait Christina.